Friends

Le syndrome Friends

“Gonna tell my kids they were my friends.” 

Né(e) entre 1980 et 1990, vous avez peut-être été touché(e) par ce syndrome… celui de regarder, ou de re-regarder, ou de re-re-regarder THE série, symbole de l’American way of life… la seule et l’unique, « Friends » bien-sûr. L’histoire d’une bande de potes qui roulent sur leur trentaine, et dont on aurait franchement aimé faire partie. Dont on a d’ailleurs l’impression de faire partie, tant on a vécu et grandi avec eux, entre l’appartement du West Village et le café Central Perk. 

Amicalement vôtre 
À tous ceux qui ont (re-re) regardé, qui n’a pas rêvé d’intégrer un jour cette bande-là, de vivre dans cet appartement-là ? Qui ne s’est pas dit que c’était ça la vie d’un jeune adulte accompli : vivre en colloc’ avec ses meilleurs potos qui débarquent sans frapper, qui se servent dans le frigo et qui s’affalent sur le canapé avec la meilleure blague ou anecdote de la journée. Cette série représente si bien la vie de tous les jours qu’elle s’insère dans notre intimité presque naturellement. On vit avec eux, on mange avec eux, on connaît tellement bien ce show qu’on le met pratiquement en fond sonore, comme une playlist à laquelle on est particulièrement attaché. Comme un plaid dont on adore se couvrir, signe de relâchement total, de confiance et de lâcher prise. Plus besoin de réfléchir, on se laisse porter par ces répliques que l’on connaît par cœur, par ces vannes que l’on a déjà entendu 20 fois. Un coup de déprime, un moment d’ennui, une panne d’inspiration ou carrément la flemme de recommencer toute une histoire et hop ! La simplicité, emballé c’est pesé, on reprend Friends. Quelques mois ou quelques années sans regarder et ils nous manquent ces 6 personnages si bien câblés dans leurs caricatures d’eux-mêmes, touchants dans leurs maladresses et si bons pour porter les couleurs de l’amitié. Diffusées entre 1994 et 2004, ce sont 10 saisons qui comptent 236 épisodes de 22 minutes environ, soit au total 5 162 minutes de visionnage, autrement dit un véritable compagnon de vie. Plus encore, cette série qui n’a pas pris une ride est aussi une mythologie personnelle pour bon nombre de cette génération 1980-1990, où certains se sont identifiés aux personnages et beaucoup se sont reconnus dans les innombrables situations de la vie quotidienne mises en scène. 

Plus besoin de réfléchir, on se laisse porter par ces répliques que l’on connaît par cœur, par ces vannes que l’on a déjà entendu 20 fois.

Regards sur la société
Aujourd’hui, quand on regarde Friends, on se dit que le monde allait « encore bien ». Non pas que de terribles conflits mondiaux et catastrophes en tout genre n’existaient pas à l’époque, mais il y a encore cette insouciance, comme un doux air d’été lorsque l’on regarde. Un ton léger certes, mais aussi une longueur d’avance sur des questions de société qui animent encore aujourd’hui les débats 20 ans plus tard. Cette série peut en effet se targuer d’une certaine ouverture d’esprit, du moins pour l’époque. Tout d’abord avec les mamans de Ben : Ross a un fils avec Carol, qui le quitte au tout début du show pour vivre son histoire d’amour avec Suzanne. Enceinte de Ross, Carol décide d’élever son bébé avec Suzanne, et Ross. Ben a donc deux mamans et un papa. Autre exemple, le père de Chandler est un homme devenu femme, meneuse de revue à Las Vegas. Si l’on suit d’abord la souffrance tournée en dérision de Chandler quant à l’éclatement du mariage de ses parents puis la transformation de son père en femme, les choses deviennent beaucoup plus fluides au moment où Chandler et Monica se marient. Phoebe quant à elle accepte d’être mère porteuse pour son frère, amoureux de sa professeure de 15 ans sa cadette, alors trop âgée pour supporter une grossesse. Elle donne ainsi naissance à des triplés, devenant leur tante préférée. Monica est une ex obèse et de nombreux flash-back la ramène à son adolescence pour notamment parler des difficultés liées au regard des autres et à leur jugement. Toutes ces histoires sont racontées uniquement via le prisme de l’humour, ciment de la série et dont elle ne se détache jamais, ce qui n’empêche pas de mettre en lumière toute la diversité qui fait la force d’une société. Seul bémol et de taille, cela a d’ailleurs fait partie des rares polémiques sur la série : le manque de représentation de la communauté afro américaine dans les personnages principaux. Même si de nombreux personnages noirs apparaissent tout au long de la série, il faut attendre la dernière saison avec le personnage de Charlie, copine de Joey puis de Ross, pour avoir un personnage afro américain qui reste au moins la moitié de la saison.

Toutes ces histoires sont racontées uniquement via le prisme de l’humour, ciment de la série et dont elle ne se détache jamais, ce qui n’empêche pas de mettre en lumière toute la diversité qui fait la force d’une société.

Notre belle Amérique
Friends, c’est un pur produit américain, avec tous les ingrédients du succès : des gens forts sympathiques, beaux et jeunes, des personnalités dans lesquelles on peut tous plus ou moins se reconnaître : le beau gosse, le timide, le sensible, le benêt, l’outsider, la « girl next door », la maniaque, la susceptible, le blagueur, la bonne copine ou encore le geek. Des références et de la pop culture américaine à fond, où l’on a envie de consommer et de faire comme eux : boire des sodas, regarder des matchs de basketball ou de football américain, commander des pizzas gigantesques, fêter Thanksgiving, passer sa vie au café du coin et aller chez Bloomingdale’s (l’équivalent des Galeries Lafayettes aujourd’hui). C’est évidemment une Amérique leadeuse et qui va bien qui est représentée dans cette série, cette Amérique qui en envoie plein les mirettes où tout est possible pour celui ou celle qui s’en donne la peine et les moyens. Cette Amérique dont l’influence sur la société française n’a pas eu de limites, surtout des années 1980 à 2000. Cette Amérique qui fait partie de notre archéologie culturelle et avec laquelle on a grandi. Cette Amérique dont on est revenu aujourd’hui mais qui continue de donner le la… 

La série Friends, elle, est toujours restée à sa place : une série comique qui tourne tout en dérision et qui parfois sait mettre en lumière la bêtise ou la beauté d’une situation amicale, amoureuse, professionnelle, familiale ou simplement une scène du quotidien. On pense s’en lasser, mais quelques aventures ailleurs ici et là et l’on revient toujours à la maison, avec un bon plaid, un instant à perdre ou une madeleine de Proust à retrouver. On se dit que l’on ne va pas non plus tout recommencer alors on choisit un épisode que l’on aime bien, pas trop tard non plus dans la série pour en garder un peu… et puis rebelote… on racontera à nos enfants qu’ils étaient nos amis.


Publié le

dans

par