Pacifique

Un barrage contre le Pacifique

Aujourd’hui en France.

J’emprunte cet intitulé au titre d’un des mes livres préférés, celui de Marguerite Duras, qui date de 1950. Dans une Indochine colonisée et corrompue, c’est l’histoire d’une veuve qui passera toute sa vie à se battre en vain contre l’immuable, le déclin et le sel de la mer.
C’est cette image que j’ai en tête en écrivant ces lignes, celle de ces barrages qui ne tiennent pas face aux marées, en résulte dans le livre des plantations incultivables, la misère, la désillusion et la folie. Et bien aujourd’hui, c’est peut-être ce que nous risquons nous aussi, aujourd’hui en France.

Loin de vouloir tomber dans la grandiloquence, loin de vouloir donner des leçons à qui que ce soit, loin de chercher à faire dans la tendance, il me semble simplement important de l’écrire : nous aussi nous devons construire un barrage. Et celui là, il doit tenir.
Notre Pacifique, c’est le risque dimanche 7 juillet 2024 au soir de se retrouver gouvernés par un parti dont la sombre genèse s’inspire du fascisme.
Notre Pacifique, ce sont des vagues de racisme et de haine de l’autre qui déferlent sans crier gare, qui divisent davantage et détruisent tout sur leur passage.
Notre Pacifique, c’est un gouvernement qui s’appuie sur des notions de sélection et de préférence quand il s’agit de penser le peuple dans son ensemble.
Notre Pacifique, ce sont des décennies d’efforts acharnés à construire un semblant d’unité qui sont anéanties.
Notre Pacifique, c’est l’idée que le repli sur soi et la méfiance de l’autre sont une meilleure solution que d’essayer continuellement de vivre ensemble.
Notre Pacifique, ce sont comme tous les autres partis politiques des promesses économiques irréalisables et une désillusion toujours plus crue et soudaine.

Bien que tentante car jamais tentée, la voie extrême n’est pas une solution. C’est un leurre, un abîme déguisé en sortie de secours.

Encore une fois, je n’ai de leçons à donner à personne et je ne juge personne. Ces lignes, finalement je les écris pour moi, pour ma conscience, pour me dire que j’ai essayé. Essayé de dire ceci : même si l’époque elle même semble être au bout du rouleau, il faut tenir. Et bien que tentante car jamais tentée, la voie extrême n’est pas une solution. C’est un leurre, un abîme déguisé en sortie de secours. Alors oui, il faut faire barrage.
Je suis moi-même dégoûtée de devoir faire barrage depuis tant de scrutins, c’est presque tout ce que j’ai pu faire depuis que je suis en âge de voter. Je n’ai jamais pu choisir, j’ai toujours du voter par dépit. C’est frustrant à force, et ça donne envie de tout lâcher. J’y ai pensé. Et puis j’ai repensé à nouveau au Pacifique, à ce qui nous arriverait dans la gueule si on lâchait toutes et tous comme j’en ai envie.
Alors dimanche, non sans mal, je vais participer à ce barrage, parce que finalement je préfère me plaindre de ne pas être comprise ou de me retrouver nulle part que de me mettre à avoir peur, peur tout le temps, peur pour les autres, peur partout.
Sans faire de la poésie gratuite, Mandela a un jour dit « Que vos choix soient le reflet de vos espoirs et non de vos peurs ». Plus facile à dire qu’à faire, surtout quand il n’y a pas beaucoup d’espoir dans l’air ambiant. Mais Nelson Mandela, il savait quand même de quoi il parlait.
Nous pouvons je pense lui faire confiance, et aller voter dimanche avec ses mots en tête.
C’est mon plan en tout cas, et je souhaitais le partager ici.
Un barrage contre le Pacifique, ou contre la déferlante bleue Marine.


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